L’opiniâtre veilleur
Par Raoul Sangla Cinéaste
Au premier regard sur ce portrait de Jean-Luc Godard par Mustapha Boutadjine, je remarquai sur les revers de la veste une manière de poussière d’étoile. Telle que celle rapportée sur Terre et sur ses épaules par les héros d’un voyage stellaire, dans un roman utopique de Savinien de Cyrano de Bergerac.
L’on sait que le cinéaste fit lui aussi une ascension qui le mena, impromptu, du pinacle des filmeurs (il réveilla, alors, l’insolence des assistants que nous étions, séchant d’ennui dans des studios apocryphes qu’il nous faudrait dynamiter). Nous revient le mot de Cocteau : « Le cinéma c’est une caméra dans la tête d’un poète. » Il fut poète et sut qu’il fallait aller trop loin. Il y fut, sa caméra brassant social, amour, politique, esthétique, sans dessus et sans dessous, « comme une gerbe d’étincelles, sans plan cadastral » (René Char).
Passa le temps, et voici que Mustapha Boutadjine en fait ce portrait par graphisme-collage avec une myriade de prélèvements de papier braconnés et ordonnés avec une rare virtuosité, pour inventer l’expression originelle du modèle.
Jean-Luc Godard est bien là, parmi nous, dans ses vêtements de tous les jours, revenu de sonexpédition dans la galaxie des frères Lumière. Que lire dans son regard d’opiniâtre veilleur ?
J’y vois de l’humanité dont sa pudeur tempérait l’éclat. Peut-être pense-t-il : « J’ai encore quelques réponses, auraient-ils des questions ? »
Que l’avenir vous soit clément, Jean-Luc Godard.