Souvenirs de Jean Genet (fragments)
Par Jean-Pierre Han Directeur et rédacteur en chef de Frictions Rédacteur en chef des Lettres françaises, critique dramatique
Si proche, si lointain, mais toujours présent même s’il a disparu en 1986, Jean Genet a définitivement marqué de son empreinte son (notre) époque. Avec son éblouissant talent de poète, ses prises de position politiques radicales, sa nature d’homme complexe, contradictoire… Nos chemins ne se sont pas croisés, tout au plus ont-ils parfois suivi des trajectoires qui auraient pu éventuellement se rapprocher par l’intermédiaire de connaissances communes : Roger Blin, Maria Casarès, Leila Shahid. Mais ce n’est qu’en 1990 que je connus cette dernière à Rabat, avec son mari, le grand écrivain et critique Mohammed Berrada, traducteur de plusieurs œuvres de Genet. J’associe volontairement le nom de Leila Shahid à celui de Jean Genet, pour qui elle fut une amie sûre, qui lui fit découvrir Sabra et Chatila. Après un détour par Tanger, où je tentai de suivre les traces de Jean Genet, du Café de France jusqu’à sa tombe dans un petit cimetière de Larache… de retour en France, je retrouvai Leila Shahid et Mohammed Berrada au Havre où se donnait un très beau spectacle mis en scène par Alain Milianti, Quatre heures à Chatila, de Jean Genet. Cependant l’une de mes premières rencontres avec Genet date de la création des Paravents à l’Odéon en 1966, le dernier spectacle théâtral à avoir déclenché des débats houleux à l’Assemblée nationale, où l’on vit même un député de droite lire un passage de la pièce pour en bien montrer l’ignominie ! Heureusement, Malraux, le ministre de la Culture, veillait encore à la liberté d’expression à cette époque-là… Les Paravents fut l’un des derniers spectacles qui se donnait chaque soir grâce à un cordon de fidèles partisans de l’auteur – dont faisait partie Chéreau, qui devait monter la pièce plus tard –, en prise aux attaques des fascistes qui voulaient faire interdire les représentations…