Que le rêve devienne réalité
Par Fadwa Barghouti Cimetière du Père-Lachaise à Paris, 20 mai 2010 Hommage de Fadwa Barghouti, épouse de Marwan Barghouti, responsable politique palestinien (incarcéré depuis 2002 dans une prison israélienne) Mahmoud Hamchari, représentant de l’OLP en France, a été assassiné à Paris le 9 janvier 1973
C’est une terre sans peuple... C’est ce qu’ils ont dit pour en justifier la confiscation. C’est la terre du lait et du miel... C’est ce qu’ils ont dit pour justifier leur soif de conquête. Or, la Palestine... est un rêve permanent, de Mahmoud Hamchari à la fin des temps. Nous sommes réunis pour refaire le rêve palestinien en couleurs, en images et en senteurs, nous sommes réunis pour chanter l’hymne de la vie face à la mort, l’hymne de la liberté face à l’occupation, l’hymne de l’amour face à la haine et au ressentiment. Nous sommes réunis pour évoquer le souvenir de notre martyr, Mahmoud Hamchari.
Mahmoud Hamchari était venu à Paris pour présenter la Palestine au monde. Il a bâti de vastes relations avec les partis politiques français, il y a représenté l’Organisation de libération de la Palestine, il a œuvré pour que cette représentation soit officielle, il a mis en place les actions de solidarité avec le peuple palestinien, il a parlé aux intellectuels et aux hommes politiques de Paris, mais il ignorait qu’il se tenait, comme tout Palestinien, au bord du gouffre de la mort.
Les lâches l’ont tué avec un explosif placé dans son domicile, sans égard pour l’innocence de l’enfant ni pour les sentiments de l’épouse ; ils ne connaissent de l’humain que le crime.
Et nous voici aujourd’hui réunis pour évoquer son souvenir, lui qui a passé sa courte vie à danser sur le bord du gouffre de la mort et que sa mort a propulsé au sommet de la vie. C’est lui qui resplendit de vie et nous qui sommes des ombres.
Mahmoud Hamchari n’a pas négligé la dimension politique dans un monde militarisé, il n’a pas négligé l’amour au milieu de la bataille. Le ressentiment, la privation, la condition de réfugié, l’exil, n’ont pas vaincu Mahmoud Hamchari. L’assassin ne l’a pas vaincu.
Mahmoud et la Palestine, c’est l’histoire de la vie lorsqu’elle transcende le sang, le récit de la souffrance lorsqu’elle devient seconde nature, l’histoire de la création lorsque l’homme devient souffrance.
C’est un chant que nous chanterons ensemble, indéfiniment, sans jamais nous lasser... le chant de ceux qui sont en quête d’une patrie... d’une identité... d’un passeport.
C’est notre chère Palestine, devenue depuis longtemps une patrie, qui vit en nous, l’histoire d’un bel amour entre le Palestinien et son sang, entre le premier olivier et l’âme de la terre absolue.
La haine que sème l’occupant peut-elle tracer une histoire ? Le fusil peut-il engendrer une rose ? Le moment n’est-il pas venu pour que le Palestinien recouvre sa liberté ? N’est-il pas grand temps que le Palestinien trouve le chemin de l’olivier planté pour lui par ses ancêtres ? Le Palestinien doit-il encore chaque jour célébrer ses morts et répandre son sang et ses larmes pour réaffirmer son existence ?
L’occupant, sorti du cours du temps, a essayé de couper le cordon ombilical qui relie le Palestinien à sa terre, mais celui-ci demeure lié par le jasmin de la maison, le citronnier de la plantation et l’olivier de la lointaine patrie. Cela fait plus de soixante ans d’exil, d’occupation, d’oppression, de sang et de larmes versés. Il est temps que la promesse devienne réalité, que l’idée devienne état.
Comme c’est beau d’être aujourd’hui réunis face à l’éternité, car à travers le corps et la tombe du martyr Hamchari, Paris rencontre la Palestine à jamais. Comme c’est beau de toujours nous souvenir de nos martyrs.
À lui l’éternité et la permanence. À nous désormais la fidélité et l’action pour faire que le rêve devienne réalité.