ABANE RAMDANE

Abane Ramdane

Par Mustapha Boutadjine - Paris 2004 - Graphisme-collage, 52 x 47 cm

L’architecte de la Révolution

Par Arezki Metref Journaliste, écrivain et poète

Né en 1920 à Azouza en Kabylie, Abane Ramdane est assassiné en 1957 au Maroc, où les plus hautes instances du FLN lui tendent un piège digne des traquenards mafieux. Il avait trente-sept ans et il était un militant révolutionnaire placé au cœur du dispositif politique et militaire de la lutte d’indépendance. Il était parmi les dirigeants celui qui avait la vision politique la plus en avance, au point d’être considéré comme « l’architecte de la révolution ». Maître d’œuvre, avec Larbi Ben M’hidi, du congrès de la Soummam en 1956, il dota le combat pour l’indépendance d’un programme et d’une projection.

Les principes qu’il préconisa de primauté de l’intérieur sur l’extérieur et du civil sur le militaire ayant échoué, l’Algérie a abordé l’indépendance avec tout le contraire, le pouvoir pris par l’armée de l’extérieur au détriment des maquisards de l’intérieur, et l’imposition d’une société dominée par l’élément militaire.
Son œuvre majeure, qui a donné un élan populaire à la révolution algérienne, est d’avoir su unir dans le FLN tous les courants nationaux au sein du même combat contre le colonialisme. Son assassinat par les services du colonel Boussouf a éliminé un dirigeant qui remettait en cause l’hégémonisme et l’autoritarisme des chefs du FLN et de l’armée, mais a supprimé aussi une alternative politique.

Abane Ramdane est de tous les dirigeants de la Révolution algérienne celui qui revient comme un enjeu du présent. Il est encore à ce jour controversé, suscitant des passions de toutes parts, renaissant souvent et souvent une fois de plus assassiné symboliquement. Ilincarne moins un pôle de pouvoir qu’une alternative, la seule qui ait été pensée, cohérente, conceptualisée.
Son assassinat par ses pseudo-frères de combat est resté comme une tache qui salit a posteriori la Révolution algérienne et qui occulte les raisons de cette élimination physique, à savoir l’inflexion qu’il voulait donner au combat pour l’indépendance et la projection dans l’avenir d’une république algérienne démocratique et sociale. Objet polémique à son corps défendant, Abane Ramdane a survécu non point comme une icône inoffensive, mais comme une ligne de fracture entre deux projets de société dont l’affrontement continue de façonner la Nation algérienne.