Frantz Fano
Par Mustapha Boutadjine
Paris 2004 - Graphisme-collage 120 x 90 cm
Fanon, Homme libre
Par Amin Khan Poète
Ouiun intellectuel médecin penseur écrivainpsychiatre militant combattant fier courageux ombrageuxtout ce que tu veux mais Fanon c’était avant tout un poètece n’est pas moi qui le dispas moi mais PierrePierre Chauletle 11 mars 2011 Alger midiau soleil national du deuilà l’ombre tranquille de l’espérancedans l’espace entre les grains de lumièrequi dansent entre les corps mystérieuxdes orangers décatiset l’ombre des grilles fébriles du jardinun demi-siècle après ta mortd’énormes pelletées de temps nocifjetées sur ton cœurencore brûlantmalgré toutton cœurbraise jetée au loinpar les vents violentsde ces îles-là Caraïbes défoliéesîles fractionnées concassées humiliéespoussièrevers l’amont des tourmentsde la mémoire lointainemais rien n’y peut rience temps est plein de trousvieux carbone et vieil oxygène s’affrontenttels des lutteurs éloignéspar les bras du bronze immensedepuis trop longtempsloin de la terre nataleoubliés de leurs adorateurssans but désormaissauf peut-êtrepour certainsles quelques sous et les centimesque jettent au sol sali de leur sangquelques anciensles devenus spectateursdans leurs oripeaux leurs uniformesleurs guenilles mentalesen costumes cravates rayésélimés au coude de la dignitémais toutefois dignescertainsémaciés démodés juvénileset saisis parfois encore figure-toide transes passagèresqui meurent aussitôtau bord du cercle du soleil ritueldes sacrifiés du premier rangtoi c’est ton privilègede les avoir quittés à l’âge béni de 36 ansd’avoir quitté ce mondetel le héros d’un vieux film en noir et blancun film de guerre ou d’aventuresun film du 20e sièclequitté la vaste terre de Dieuavec des visionsde ce qui n’est jamais advenuqui n’adviendra jamaismais qui est pourtantvisions de ceux qui à l’époque déjàcheminaient sur le fil du rasoirfiles de maigres sentinelles toujours mobilessentinelles du camp nocturne inquietsans répitassailli sans relâche assaillices hommes qui traversaientavec leurs pataugas oiseusesleurs peurs et leurs croyancesles frontières et les auréoles du sang de leurs frèrespeu importeces hommes faits ombresces hommes faits échos alluvions amersstock de tristessefonds de commercehérossur mauvaise bande magnétiqued’un de ces pays frères qui n’existent plusaujourd’huiau goût de cendreson ne se souvient plus que de quelques-unsparmi les héroson se souvient de quelques saints quelques martyrsdans le grand registre de la véritéles anonymes on n’en parle pasdepuis toujours tu le saisdepuis bien avant les guerres puniquesdepuis bien avant les labours sanglantsen tous sensde l’aliénation du mondedepuis bien avant les grands carnages subtilsqui ne laissent aucune trace du crimepour la raison qu’il n’y a plus que le crimeet que le crime embrasse la raisonalors que faire ?que faire ?seul dans son cœurseul dans sa chambreface au mur blanchi à la chauxde l’heure carcéraleconnaître et connaître à nouveauce qui brûleen soimême s’il faut pour celadénuder son cœury enfoncer les doigts de la nauséeet de l’amertumereconnaître que làfrère presque perdufrère bientôt perdutu as raison contre tousavec ton sang infectéavec tes muscles nusavec ces fibres de conscienceavec cette colèreavec cette vigilanceque faire ?que faire ?te mettre deboutdroit deboutdebout dans la patrie des ventsdebout dans la respiration des îlesdebout dans le tremblement de la terreouvrir ta chemise blanche de boucanieret qu’y viennent la lumière amèreet la grande haleine de la révolutionlécher ta sueurla sueur de l’homme fiévreuxla sueur de l’homme mourantchaque jour depuis le jour de sa naissancela sueur de l’homme qui se débat dans les rets de son intelligencela sueur de l’homme debout s’entendque faire ?dis que faire ?traverser en soute peut-êtremais d’un pas allègreles océans qui s’interposententre les îles naufrage et les îles destinne pas laisser d’espace entre soientre sa peau et la conscience du mondeentre les mots et les gestesentre le carbone et l’oxygènene pas laisser d’espoir à l’ennemiqu’il aura un jourla légitimité du pardonbrûler brûlerbrûler jusqu’à la finen homme seulen homme en deveniren homme librehomme loin de l’origineet loinde la destinationHomme LibreFanon