Porte-parole des Panthères Noires
Par Yves Housson Journaliste à L’Humanité
Né le 31 août 1935 en Arkansas dans une famille pauvre, Leroy Eldridge Cleaver a fait, très tôt, l’apprentissage de la rébellion au fil de ses séjours en camps de redressement, puis en prison. Il est condamné à plusieurs reprises pour des faits de vol, détention de marijuana, et de viol. Derrière les barreaux, il découvre Marx et Malcolm X. Il écrit Soul on Ice, livre autobiographique, publié en 1968, où il dénonce la condition de l’homme noir aux États-Unis après trois siècles de soumission à l’Amérique blanche. Paru en France, sous le titre Un Noir à l’ombre, ce sera un best-seller. Libéré de prison en 1966, il rencontre à San Francisco, où il animait le centre culturel Black House, les fondateurs du mouvement des Black Panthers, dont il deviendra le « ministre de l’Information ». Ses communiqués dénoncent fougueusement le « système d’oppression raciale, politique et économique » dont souffrent les Afro-Américains. Au sein du mouvement, qui se divise sur le sujet, Cleaver défend le principe de l’action armée. Le 8 novembre 1968, il se trouve dans une maison, à Oakland (Californie), en compagnie de plusieurs dirigeants des Panthères Noires, lorsque celle-ci est cernée par la police. Une fusillade éclate. Alors qu’ils sortaient pour se rendre, Bobby Hutton, trésorier du mouvement, est abattu, et Cleaver blessé.
Arrêté, puis libéré sous caution, il décide de fuir les États-Unis, persuadé, dans le climat de l’époque, qu’il ne bénéficierait pas d’un procès équitable. « Si je suis parti en 1969, c’était pour éviter de retourner en prison car à l’époque, je suis convaincu que j’aurais été “neutralisé” pendant ma détention comme le furent d’autres leaders noirs », expliquera-t-il. Le chef du FBI, J. Edgar Hoover, livrait alors une « guerre personnelle » implacable contre les Panthères Noires. Cleaver s’exile à Cuba, puis en Algérie. Il voyage à Hanoï, Moscou, Pékin, en tant qu’ambassadeur de la section internationale du mouvement. En 1973, il s’installe en France, où il obtient le droit d’asile, à l’issue d’une bataille politique qui mobilise nombre de responsables politiques de gauche, juristes, hommes et femmes de culture. Au ministre de l’Intérieur Raymond Marcellin, qui reprochait ses « théories de recours à la violence », son avocat Roland Dumas fait valoir qu’« à l’occasion du combat politique qu’il menait aux États-Unis et qui était un combat sans merci au cours duquel un grand nombre de ses coreligionnaires ont disparu, Eldridge Cleaver a été amené, face à la violence dont était victime sa communauté, à opposer une violence égale, le plus souvent verbale ». Cleaver renonce alors à toute activité politique, se convertit au christianisme. En 1975, il choisit de rentrer aux États-Unis : « Aujourd’hui, explique-t-il, après la fin de la guerre du Viêt Nam, l’amélioration de la condition du peuple noir et le choc du scandale de Watergate, je peux me présenter devant un tribunal ». Il effectue 2 000 heures de service d’intérêt général. Dans les dernières années de sa vie, il sombre dans la drogue, fait des apparitions dans divers mouvements chrétiens, tente, sans succès, de se faire élire à des postes locaux sous l’étiquette républicaine. Celui qui restera néanmoins comme l’un des plus fervents apôtres du Black Power est mort le 1er mai 1998 à Los Angeles.