DULCIE SEPTEMBER

Dulcie Septembe

Par Mustapha Boutadjine - Paris 2004 - Graphisme-collage, 100 x 70 cm

Assassinée en France

Par Christophe Deroubaix Journaliste à L’Humanité

Les assassins courent toujours. Ceux qui, le 29 mars 1988, au 28, rue des Petites-Écuries à Paris, ont logé cinq balles dans la tête de Dulcie September, la représentante du Congrès national africain (ANC) en France. La militante était arrivée à Paris en 1984 pour y prendre la direction du bureau du mouvement de libération, après trente ans d’un engagement anti-apartheid de tous les instants. Enseignante, elle avait été arrêtée en 1963, à l’âge de vingt-huit ans, emprisonnée puis assignée à résidence. Elle quitte son pays en 1973 pour l’Angleterre. Mais l’exil ne signifie pas renoncement. En 1979, elle est élue présidente du comité londonien pour l’Année internationale de l"enfance des Nations unies. Deux ans, plus tard, elle rejoint Lusaka, en Zambie, capitale de l’ANC en exil. En 1984, l’organisation la nomme donc en France.

Alors que le pouvoir d’apartheid, aux abois, a décrété depuis un an l’état d’urgence, la militante est agressée, dans le métro, en 1987. Elle demande une protection policière. Refusée. Le Premier ministre de l’époque s’appelle Jacques Chirac. Son ministre de l’Intérieur, Charles Pasqua.
Elle part habiter à Arcueil, rue de la Convention, y espérant une plus grande sécurité. Mais c’est à la porte de son bureau dans le 10e arrondissement de Paris que l’attend son assassin, armé d’un calibre 22 équipé d’un silencieux. Le dirigeant de l’ANC Alfred Nzo déclare : « S"il y avait une cible facile, Dulcie September en était une. »

Comme une deuxième mort, lente, celle de la mémoire, la justice française n’a pas voulu rouvrir le dossier « faute d’éléments nouveaux ». Pourtant, en Afrique du Sud, un ancien responsable des escadrons de la mort du régime d’apartheid a témoigné devant la Commission vérité et réconciliation : l’assassinat de la militante a bel et bien été commandité depuis Pretoria. Des noms ont même été évoqués : Joseph Klue (sergent-major de l’armée sud-africaine), Dirk K. Stoffberg (vendeur d’armes et agent sud-africain), Heine Hüman ainsi que Jean-Paul Guerrier, proche du mercenaire Bob Denard.
Faute de justice, fût-elle posthume, le nom de Dulcie September qui s’inscrit au fronton de nombre d’écoles et lieux publics en France honore ce devoir de mémoire. Dulcie September vit dans les places de Paris, Nantes ou Gardanne, les rues de La Courneuve, Avion ou Cendre, les écoles d’Ivry-sur-Seine, Grigny ou Drancy, ou le collège d’Arcueil, qui portent son nom ; Arcueil, où le 14 juillet 1996, Nelson Mandela était présent lors de la pose d’une plaque commémorative devant son dernier domicile.