Mort en exil
Par Charlotte Recoquillon Doctorante à l’Institut français de géopolitique Paris 8 et enseignante à l’Institut d’Urbanisme de Lyon
Donald Cox (1936-2011), dit D.C., fut une figure importante du parti révolutionnaire des Black Panthers, qu’il a rejoint dès 1967, déterminé à combattre le racisme brutal dont il a été témoin. Originaire du Missouri, où les lynchages imprégnaient les consciences, Donald Cox arrive à San Francisco en 1953, à l’âge de dix-sept ans, et se politisera peu à peu, au fil d’une histoire raciale violente et meurtrière. En effet, pendant ces années-là, les choses semblent bouger : en 1954, la Cour suprême déclare inconstitutionnelle la ségrégation dans les écoles publiques (Brown vs. Board of Education). Mais en 1955, l’Amérique est secouée par l’horrible lynchage du jeune Emmett Till. Durant l’été 1961, les Freedom Riders, qui traversent le pays à bord de bus pour dénoncer la ségrégation, sont attaqués violemment, puis, en 1963, une bombe explose dans une église noire de Birmingham, Alabama, tuant quatre petites filles. En 1966, un policier blanc tue un jeune Noir de dix-sept ans, déclenchant des révoltes à Hunters Point…
La rhétorique de la non-violence, pour beaucoup, atteint ses limites. Cox continue de se politiser, développe une conscience noire en écoutant les discours de Malcolm X, entre autres, et commence à organiser un petit groupe de militants à qui il enseigne les rudiments des armes et de la sécurité. Il rencontre alors Emory Douglas, le célèbre artiste à qui l’on doit l’identité visuelle des affiches et journaux des Black Panthers. Il rejoint le parti à Oakland auprès de Huey P. Newton, en 1967, un an après la mort du jeune tué par la police. Dès lors, D. C. met ses compétences et son expertise en armes à feu – acquises durant son enfance à chasser à la campagne – au service du parti. Sa principale mission était d’ordre militaire : procurer des armes et apprendre aux autres membres à s’en servir. Il était aussi chargé d’inspecter la sécurité des différents quartiers généraux des Panthers à travers le pays. En 1969, il se rend à New York pour soutenir la campagne de libération des Panthers 21 et réorganiser le parti sur la côte est. D. C. s’enfuira en exil à Alger en 1970, alors que la police le recherche pour le meurtre d’un Panther qui était un informateur de la police. Il mourra en exil, en France, sans jamais être retourné aux États-Unis.
La vie et l’engagement de Donald Cox résonnent cruellement dans les pages de nos journaux aujourd’hui. Comment ne pas voir que les violences policières à l’encontre des pauvres et desminorités, à la base de l’engagement des Black Panthers, restent un problème majeur ? Comment ne pas voir que la société de surveillance qui s’est étendue depuis le 11 Septembre est un héritage direct des programmes du FBI (Cointelpro en tête) qui ont détruit de l’intérieur les Black Panthers, notamment par l’usage d’informateurs ? Les droits élémentaires des citoyens ne sont toujours pas respectés, le racisme est plus vicieux que jamais et les inégalités économiques et l’oppression des pauvres persistent, mais l’esprit révolutionnaire des Black Panthers peut – et doit – continuer d’habiter les nouveaux mouvements de libération. On ne doit pas moins à la mémoire de Donald Cox.