L’héritage anticolonialiste
Par Jean Chatain Journaliste à L’Humanité
Le leader africain exemplaire, encore aujourd’hui, pour tous les progressistes du continent. Et sans doute celui qui fut le plus haï des dirigeants occidentaux durant la période des indépendances : sa tête avait été mise à prix non seulement par les services d’une métropole belge se retirant officiellement du Congo, mais aussi par ceux de la France, inquiète de son aura dans l’ensemble des pays africains francophones, et des États-Unis, lui reprochant notamment ses bonnes relations avec l’URSS et son intransigeance face aux impérialismes divers louchant sur ce « scandale géologique » que constitue le pays (diamant, or, uranium, manganèse, cobalt, pétrole). Avec le Camerounais Félix Moumié (qui, lui, fut assassiné à Genève par une barbouze française en 1960), il demeure l’une des figures emblématiques africaines du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. Pourtant sa carrière politique fut brève : dirigeant du M. N. C. (Mouvement national congolais), il est, en 1960, le maître à penser de l’indépendance du Congo ex-belge. Premier ministre, il est écarté au bout de deux mois par son second, Joseph Désiré Mobutu, un ancien de la Sûreté belge. Puis assassiné dans des conditions atroces le 17 janvier 1961. Auteur du film retraçant son portrait et sa lutte politique, le Haïtien Raoul Peck illustre à sa façon l’impact durable de Patrice Lumumba, héros du tiers-monde : « L’histoire de Lumumba n’est pas dépassée. Elle n’a cessé de résonner sur les drames africains de ces dernières années (…). Il n’a pas voulu négocier la souveraineté de son pays. On ne le lui a pas pardonné. Il l’a payé de sa vie. Cet événement a marqué mon enfance. Son combat pour la vérité n’était pas non plus étranger à celui que j’allais vivre en Haïti. »