DIEGO EL CIGALA

Diego El Cigala

Par Mustapha Boutadjine - Paris 2010 - Graphisme-collage, 130 x 95 cm

Le cri de la marge

Par Fara C. Journaliste à L’Humanité

Vous êtes le flamenco des larmes noires et de la danse radieuse
Dans les replis de votre voix se niche
La délivrance d’un peuple fier toujours
Debout malgré des siècles d’anathème
La majesté de vos mélismes embrase la mémoire
Arrestation massive des Gitans d’Espagne
Dépouillés contraints à des travaux forcés
C’était en 1749 et en toute l’Europe
Que les Roms foulaient de leurs semelles de swing
Sévissait le froid corollaire de l’exclusion
Tandis que vous égrenez les coplas d’une carcelera
Les fêlures de vos inflexions disent la détresse carcérale
Et s’élève au ciel la complainte de ceux jadis
Humiliés jetés dans les geôles parce que gitans
Vous entonnez un martinete une minera
Et la sueur des forgerons et des mineurs
Furtivement perle au creux de votre mélancolie
Vous êtes flamenco comme Archie Shepp est jazz
Non pour le mot sans conscience coque vide
Mais pour le questionnement de l’art et du monde
Votre chant charrie la souffrance de la rue le cri de la marge
Vous êtes flamenco comme le bluesman qui profère
Sa colère contre le fer rouge suppliciant la chair
De ses ancêtres en même temps qu’il chante
Des rêves d’amour et de volupté
Vous êtes le cante jondo qui étreint spleen et allégresse
Et rend aux bas-fonds l’infini du ciel la dignité volée
Vos Lágrimas negras mêlées au piano de Bebo fêtent
Les noces de la flamme flamenca et du soleil de Cuba
Vous êtes le duende qui incendie l’âme
Et mue l’instant du vertige en éternité
Souvenance émue de Manuel de Falla García
Lorca défenseurs du flamenco persécuté
Vous êtes les palmas qui claquent et convoquent le flamenco libre